Le bruit de pas des visiteurs s'estompait.
Il ne restait dans la crypte que deux tombeaux.
Et une statue.
Elle paraissait de pierre.
Immobile.
Un genou au sol,
Un coude sur l'autre.
Mais quand le silence fut entièrement revenu,
Elle ouvrit lentement les yeux.
Son regard anthracite parcourut la pièce
Avant de se poser sur le tombeau le plus proche.
Elle découvrit ses dents en un sourire presque maléfique.
Il était temps d'aller se sustenter.
La statue s'anima un peu plus.
La pellicule de pierre qui la recouvrait s'écailla, puis glissa sur le sol, morceau par morceau, comme une pluie de petits cailloux.
La femme, ainsi déshabillée de sa couverture, mais vêtue d'une simple robe de satin gris, rampa jusqu'au tombeau le plus proche.
Ses jambes, prises dans l'étau de roche durant trop longtemps, ne la maintenaient pas suffisamment pour qu'elle puisse se déplacer en prenant appui dessus.
A chaque mouvement, elle laissait échapper un râle rauque, souffrant, jusqu'au plus profond de ses entrailles, de l'atroce faim qui la tenaillait.
Quand l'objet de son désir fut enfin atteint, elle se releva en étouffant un cri, ses doigts agrippés aux reliefs de la pierre, accroches bienvenues pour la soutenir.
Elle palpa lentement le lourd couvercle, vérifiant s'il était scellé, ce qui, par chance, n'était pas le cas: l'homme dormant dans le tombeau venait d'y être déposé.
La dalle de pierre ne résista pas longtemps.
La femme la fit pivoter, suffisamment pour se glisser aux côtés du cadavre en parfait état.
La famille de l'homme avait refusé l'embaumement. La femme le savait.
C'était la tradition.
Penchant presque mécaniquement la tête sur le côté, elle commença par observer chaque détail du visage de sa proie inanimée.
Elle passa lentement le bout de ses doigts sur le front glacé du mort, puis les fit descendre le long de son nez.
Le sourire qu'elle affichait n'aurait séduit personne, pas même le Diable.
Ce rictus, dépourvu de la moindre émotion, traduisait l'état d'extase cruelle que la femme ressentait à la simple idée de bientôt plonger ses doigts dans la gorge du cadavre contre lequel elle se tenait.
Elle pencha la tête pour respirer l'odeur du sang figé.
Elle préférait quand il était chaud, mais la faim ne lui laissait aucun choix.
Elle s'en délecterait quand même.
La chair était presque rigide.
Le corps avait été enterré au moment idéal.
La femme aimait cette résistance qui rendait l'instant encore plus savoureux.
Elle passa sa main contre le cou de l'homme, puis, brutalement, enfonça ses ongles pointus à l'endroit où la peau était la plus souple.
Elle entrouvrit la bouche, et un liquide noir poisseux en sortit pour s'écouler dans les orifices tout juste créés.
Plus que quelques secondes.
De nouveau rendu à l'état liquide, le sang jaillit instantanément par les plaies.
La femme ne put retenir un autre rictus, et se jeta sans plus attendre sur la nourriture tant espérée.
Les chairs, elles aussi ramollies, furent ingurgitées en même temps, si bien qu'il ne resta de l'homme qu'une carcasse vide.
La femme se redressa lentement.
Ses mains se paralysaient.
Il ne lui restait que peu de temps avant de retrouver son sommeil de pierre.
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